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Madjid Messaoudene (Administrateur du GIE Monétique) à l’Actualité- Eco : « Le lancement officiel du paiement sans contact interviendra  dans les prochaines semaines»

Convaincre les citoyens et les commerçants d’utiliser massivement le paiement électronique demeure, encore, un grand souci pour les pouvoirs publics. Seulement 4% des 1 millions des commerçants concernés par les dispositifs de paiements électroniques disposent d’un terminal (TPE).  Dans cet entretien, Madjid Messaoudene, Administrateur  du Groupement d’Intérêt Economique (GIE-Monétique) évoque, pourtant, un comportement autre qui a émané des algériens lors de cette pandémie Covid19 qui au regard des chiffres a attesté d’une grande capacité d’adaptation. Il n’en demeure pas moins que l’ombre de l’informel demeure un grand obstacle à surmonter…

Vous en convenez qu’actuellement on note la faiblesse du taux de bancarisation, la prépondérance de la culture du cash et le manque de communication. Et à ce propos, on vous reproche de ne pas en faire assez pour changer les choses ?

M. Messaoudene : Je ne dirais pas que nous avons un taux de bancarisation faible mais plutôt moyen si l’on cumule entre les comptes au niveau des banques et ceux d’Algérie-Poste et ca nous fait un taux d’environ  40%. En revanche, j’en conviens  qu’il y’a une nuance à apporter à ce taux. A travers le monde, lorsqu’il y’a bancarisation cela suppose que les ménages bancarisés utilisent beaucoup les moyens de paiement et les instruments financiers. C’est loin d’être  le cas chez nous. C’est un fait,  le  cash est  encore et toujours utilisé dans les transactions d’achats. Ce qui se fait actuellement, c’est que nous œuvrons pour encourager l’utilisation des cartes bancaires (CIB) et la carte Edahabia d’Algérie-Poste d’abord par faire connaitre les produits en eux même et pour gagner la confiance des utilisateurs. Certes, il y’a eu le départ avec les retraits mais ca reste du cash même  si on utilise le support carte.  Ensuite, on essaye, progressivement d’inverser le rapport paiement/retrait en faveur du paiement. Mais je dois reconnaitre que dans cette opération, les commerçants n’adhérent pas assez à ces modes de paiement pour des considérations indépendantes de la monétique ou encore de la qualité des services mis à leur disposition.  En somme, Ce n’est pas un problème d’ordre technologique ni de communication. La réticence demeure et cela  ne nous empêche pas d’assoir, à chaque fois, de nouvelles stratégies pour y faire face.

Qu’est ce qu’il y’a lieu de faire pour y remédier ? 

M. Messoudene : Dans un premier temps il faudra intensifier le paiement électronique au niveau des institutions publiques. Si le citoyen prend l’habitude d’utiliser sa carte pour effectuer ses paiements  cela va constituer une force et un effet d’entrainement. De ce fait, le commerçant n’aura d’autres choix que de suivre la tendance, au risque de voir son chiffre d’affaires dépérir, moyennant , bien entendu , des actions de sensibilisation et d’information sur les avantages à l’égard de cette population.  Plus encore, il faut impérativement accélérer et intensifier le déploiement des TPE et essayer en parallèle de diversifier les moyens de paiement à d’autres solutions technologiques plus performantes et surtout plus pratiques comme le m. paiement.

Qu’en est t-il des commissions prélevées à chaque retrait,  le plafonnement des retraits et la difficulté de disposer d’une carte bancaire notamment en termes de délais de délivrance. Ne sont –ils pas là des contraintes non négligeables ?

M. Messaoudene : Pour les retraits, il faut savoir que c’est le porteur de carte qui paye les commissions et c’est à hauteur de 30 Da lorsque c’est la même banque et 35 Da pour les autres (carte interbancaire). A vrai dire,  on n’encourage pas les retraits car ça reste du cash mais il est bien là. En ce qui concerne le paiement de proximité, c’est de l’ordre de 06 DA  pour les transactions inférieures ou égales à 2 000 DA, ça augmente suivant le montant de la transaction pour atteindre  un maximum de 201 DA pour les transactions supérieures à 200 000 DA En ce qui concerne le paiement par internet, c’est 0,7% du montant de la transaction et ça peut aller de 10 DA à 300 DA maximum. Ces commissions, qui sont en soi insignifiantes, sont à la charge du commerçant.  Pour ce qui est des cartes, nous avons un programme d’équiper la moitié de la population adulte  et d’arriver en 2024 à 16 millions de cartes (on est actuellement à un peu plus de 10 millions) avec un proccess d’enrôlement de nouveaux porteurs et de renouvellement pour les autres. Il est vrai qu’il y’a eu un frein en 2020, mais c’était dû à une crise mondiale (pénurie des semi-conducteurs) car les cartes sont importées. C’est même tension est, d’ailleurs, valable même pour 2022, le GIE Monétique, en collaboration avec l’ensemble des acteurs de la place monétique interbancaire, a anticipé sur le problème pour ne pas être impactés. En parallèle, il faut aller vers d’autres produits que la carte comme le m-paiement, maintenant qu’il a été autorisé, qui serait à même de compléter le paiement par cartes ainsi que d’autres produits à venir. En plus, il ne sert à rien de continuer à émettre des cartes qui ne servent à rien. Une étude de segmentation s’impose pour répondre à un réel besoin et c’est ce qui est en train de se faire. A titre d’illustration, nous avons une forte demande sur les cartes prépayées, la carte corporate en direction des commerçants…

Le nombre des transactions en ligne sur l’année 2020 a de loin dépassé celui enregistré durant les quatre années précédentes (2016-2019) et c’est la conséquence de la crise sanitaire due à la Covid 19. Quels enseignements devrions –nous en tirer ?

M. Messaoudene : Dans un premier temps, il faut dire que nous avons constaté qu’il n’existe aucune résistance quant à l’utilisation des moyens de  paiement électronique pour peu que les commerçants le proposent. Effectivement, le paiement par internet a carrément explosé. A ce titre, notre équation est simple à résumer : si on arrive à convaincre les commerçants d’accepter d’avoir des  terminaux de paiement ou bien se mettre à vendre en ligne le pari sera gagné et les avancées seront inéluctables . (Voir les chiffres dans l’encadré)

Le commerce informel est t-il, selon votre avis, un réel frein au développement de l’e-paiement et à quel pourcentage ?

M. Messaoudene : Justement, il faut combattre l’informel par le biais de l’adoption de ces moyens de paiement électronique. Si leur utilisation devient massive, le phénomène va s’estomper de lui-même mais il ne faut pas se leurrer cela prendra encore un peu de temps voire des années. Aujourd’hui, seulement 4% des commençants sur le 1  million concernés par les dispositifs de paiements électroniques  disposent d’un terminal (TPE). Ce qui est insignifiant tout comme l’est l’installation des TPE qui demeure faible par rapport à la densité du tissu économique national. Reste que nous continuons à chercher les causes qui empêchent l’adhésion des commerçants et agir la dessus. Plusieurs chantiers ont été ouverts dans ce sens, comme déjà mentionné dans mes précédentes réponses, visant à intensifier le rythme d’acquisition, d’installation et de maintenance des TPE au niveau national d’un côté et à poursuivre la concrétisation des actions en faveur de la diversification des produits de paiement électronique, en premier le m. paiement et ce avec les efforts et la collaboration de tous les acteurs de la place interbancaire algérienne.

Le M. paiement se pose, justement, comme un accélérateur de la démocratisation du paiement digital dans le pays. L’Algérie est-elle prête à jouer le jeu pour déployer le paiement par mobile  et ce au plus tôt ?

M. Messaoudene : En effet, la large couverture mobile qui est de l’ordre de 115% est un socle indéniable à même de permettre le developpement de nouveaux modes de paiement électronique et on y travaille surtout que la banque centrale a autorisé le m. paiement  lorsqu’il s’agit de personnes bancarisées et elle a entamé la préparation de  la modification de la loi  pour donner un caractère légal aux prestataires de service de paiement.

Le porte monnaie électronique et le paiement sans contact ne devraient –ils pas intervenir, également,  dans les plus brefs délais pour rattraper le retard accusé par l’Algérie dans ce domaine en dépit de tous les moyens dont on dispose et ceux déjà consentis ?

M. Messaoudene : Pour le moment, la banque centrale a autorisé le paiement par mobile adossé à un compte bancaire, ce qui veut dire que seuls les citoyens bancarisés peuvent en bénéficier. En ce qui concerne les portes monnaies électroniques, la modification de la loi, permettra d’avoir une meilleure visibilité quant à l’adoption de ce nouveau moyen. En revanche, nous sommes très avancés sur le paiement sans contact en termes d’essais techniques et de dotation en cartes et dispositifs  sans contact. Le lancement officiel du paiement sans contact en Algérie interviendra  dans les prochaines semaines.

La plupart des gens pensent qu’il existe un manque de sécurité sur les paiements en ligne. Cela ne risque t-il pas d’influencer négativement le developpement du l’e-commerce ?

M. Messaoudene : il est vrai que ce point précis a beaucoup nuit au développement rapide, je dirais, des moyens de paiement électronique.  Nous avons eu, effectivement, un retour en ce sens. Vous m’en donnez, d’ailleurs, une opportunité pour revenir sur le sujet et d’en apporter les assurances qu’il faut. Le citoyen doit savoir que nous sommes conformes, en premier lieu, à la loi algérienne en ce qui concerne la sécurité des données personnelles lorsqu’il effectue des paiements via une carte CIB ou Edahabia. Les données sont sécurisées de bout en bout, j’insiste là-dessus comme je souligne avec force que les données des porteurs de cartes sont et restent en Algérie. En matière de sécurité de l’information, de l’accès au compte et surtout de la sécurité des transactions monétiques, nous sommes aux normes et standards internationaux les plus rigoureux. On veille  à ce que  tous ceux qui interviennent dans la chaine de traitement d’une opération électronique soient maintenus à un niveau de sécurité trés élevé pour garantir la sécurité. En parallèle, nous disposons d’une organisation de lutte anti-fraude qui travaille pour analyser tous les flux transactionnels pour détecter et traiter toute éventuelle tentative de fraude. Nous convenons, par contre,  que nous devrions communiquer davantage sur le sujet en question.

Entretien réalisé par Lynda Chergui

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